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La Joie Sérieuse
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19 avril 2016

Le prix à payer

un monde nouveau

Un jour, plus tard, nous tournerons le dos à l'apparence. Le futile n'envahira plus l'espace. La vérité sera plus belle que l'illusion, et le vernis embellira la matière de son craquèlement irrégulier, rustique et moderne. On osera, enfin, dire aux imbéciles qu'ils le sont. On nommera les pathologies aux oreilles des concernés, pour les aider.


Un jour, plus tard, nous ne visiterons plus les villes, de l'électronique au bout d'une perche, pour se photographier l'enveloppe. Nous ne décorerons plus les chiens sauveteurs, pas plus que leurs maîtres. Nous fuirons les symboles et les commémorations, les discours et les communions.


Un jour, plus tard, le spectacle fera place. On balaiera les rues des ersatz de vie, on s'ouvrira enfin au coeur du coeur du coeur. Les yeux feront le point sur l'essentiel. Au diable les palliatifs ! Nous finirons tout nus pour redémarrer tous nus, au seuil d'une ère nouvelle. Les héros seront dans l'ombre, et celui qui dira vérité ne goûtera pas la ciguë pour que la masse imbécile dorme tranquille, et meurt affadie.


Un jour, plus tard, le mensonge sortira du dictionnaire à coups de pieds dans le ventricule mou de ceux qui en font commerce, parfois sans le croire, se rangeant cyniquement dans le camp des plus purs. Les mots dits auront la même couleur que les actions faites et l'esprit sain comprendra le monde. La cohérence sera reine du Tout.


Un jour, plus tard, sur les derniers pas de la décadence, on osera imposer la rigueur individuelle, et on nommera un ministre de l'orthographe. Cette seule exigence entraînera toutes les autres. On arrêtera de caresser les faiblesses dans le sens du poil pour ménager. On n'ira pas chercher les gens où ils sont, mais, on leur dira de partir de l'endroit où ils sont. C'est bien différent. Tout le monde sera assez fort pour entendre la vérité. Plus besoin de s'inventer une réalité supportable.


Un jour, plus tard, on rétablira une hiérarchie saine, on réhabilitera l'intelligence, et on arrêtera d'écrire des livres et faire des films pour toucher les instincts. On ne fabriquera plus de l'émotion pour remplir les tiroirs-caisses, on saura juste un peu la voir, là où elle est. L'esprit désencombré voit mieux. Les fuites du réel par onguent apaisant n'auront plus lieu d'être ; cercle vicieux consommateur, on ne paiera plus des psys avec l'argent gagné à se créer du stress qui envoie chez le psy.


Un jour, plus tard, on ne fabriquera plus de la convivialité en engraissant le restaurateur, on mangera pour manger, et on s'embrassera, d'amour ou d'amitié, pour s'embrasser. Les contacts retrouveront l'humain en fuyant les conventions. On ne prendra plus un verre, assis sur une terrasse à se jauger les uns les autres, se croyant plus malin que l'oeil moqueur d'en face. Fini de parader, chacun dans son ego sur l'estrade d'une vie en carton.


Un jour, plus tard, on ne suivra pas la mode, pas même celle consistant à fuir les modes. On saura taire la banalité se croyant originale. On balaiera slogans, citations et phrases toutes faites. On saura penser par soi-même. On sautera par dessus le besoin d'appartenance qui phagocyte. On saura déplaire, par amour de son prochain. On en aura fini des postures et des beaux rôles qu'on se donne par des contorsions malsaines. Les articulations s'en porteront mieux et la clarté du jour aussi.


Un jour, plus tard, on respectera l'Autre en le bousculant pour qu'il reprenne l'équilibre et le volant. On ne maternera plus, on infantilisera plus, on se libérera de la connivence et de l'indulgence coupable et plombante. Et ceux que le train de la responsabilité et de l'autonomie effraie, n'auront qu'à rester à leur place, celle qui leur convient ; on leur expliquera qu'il est fortement conseillé, dans ce cas, de ne pas trop la ramener. On veut bien transporter des cadavres, même vivants, mais, qu'au moins, ils ne freinent pas le convoi, dans le but de sauver leur image en salissant plus vaillant qu'eux.


Un jour, plus tard, on dira aux cossards que l'effort n'est pas peine, mais libération. On dénoncera les médiocres bavards, et on sauvera les faibles discrets. Les incompris ne seront plus ostracisés, ils serviront à l'élévation de la comprenette de chacun. L'individu multiplié ne sera jamais masse, il restera l'unique. On ne pendra plus l'impie. On ne nommera plus "provocateur" l'empêcheur de stagner en rond. On ne médira plus sur le sourcier du sens. On ouvrira les digues pour s'élever d'un flot aussi dense que fluide, aussi beau que fort, aussi frais que puissant. L'intelligence, du coeur, ou de la tête, c'est pareil, l'intelligence infinie tsunamisera les ruines d'un monde nécrosé. On réveillera les morts.


Un jour, plus tard, le sage se fondra dans la foule, le choix de la grotte étant trop vaniteux. Comme l'anar en costard, c'est l'action qui laboure, pas le déguisement. Le syndicat des contestataires patentés, aux incantations éphémères et qui retourneront lundi pointer, s'autodétruira, prenant conscience de son embourgeoisement pétrifié. Les militants, bien au chaud dans leurs certitudes, seront morts. Tant mieux. Tout sera possible. L'institution sortira, honteuse, par le fond de la salle et finira bouffée par elle-même, overdosée par son orgueilleuse suffisance, geôlière à médiocres, rassurés d'être pris en charge, perfusés du lange au linceul.


Un jour, plus tard, on ne tuera plus le temps en se créant des besoins ou en participant à des z'activités. On ira au plus simple, au plus pur, au seul vrai. Justice et vérité ne se laisseront pas citer par n'importe qui. Il faudra les prouver. On ne dira plus "franchement", on visionnera global. Plus personne ne parlera pour soi, mais, pour le Tout. Et là aussi, il faudra le prouver, argumenter s'il le faut, convaincre. Les imprécations et les bons sentiments seront hors-la-loi, et le retour sur investissement sera universel. Plus question de combler du vide intérieur à la petite semaine, pour éviter de réfléchir.


Un jour, plus tard, le divertissement aura disparu, comme l'évacuation, la détente et la décompression. L'amusement montrera son vrai visage, celui de la tristesse. La joie et l'optimisme auront pris toute la place. On n'apprendra plus à rire en stage comme on picole au bistrot ; on rira seulement si c'est drôle. On pourra perdre sa vie pour un bon mot et la risquer pour un bienfait. Comme ça. Ce sera le prix à payer de l'intelligence, de l'Humain et de l'amour de son prochain, qui a intérêt à bien se tenir. Bien se tenir, c'est pas la mer à boire non plus.


Demain, bientôt, on deviendra sérieux, par choix. Sinon, ce sera par obligation.
Demain, bientôt, on sera simple et joyeux, parce qu'on aura été sérieux.
La Plénitude et la Joie ont leurs exigences. Faut bosser, c'est tout !

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